Quatrième de couverture
:
1902: le capitaine O. Bastable, de l'Armée
des Indes, se rend en mission auprès du redoutable Sharan Kang. Victime d'une
drogue indienne, il est projeté dans un monde méconnaissable, en l'an 1973. Cet
univers fallacieux, qui ne ressemble que de loin à notre XX° siècle vit à
l'heure de la paix et des "plus légers que l'air".
Dans cette "histoire alternative", Oswald
Bastable et sa consoeur chrononaute, Miss Una Persson, joueront, bien sûr, un
rôle important et complexe. Le monde bascule et s'enflamme! L'aventure
stupéfiante commencée au fil des pages du "Seigneur
des Airs" et du "Léviathan des Terres"
va trouver son dénouement (?) et son apogée dans le "Tsar
d'Acier", un texte demeuré inédit en langue française.
Une trilogie, sarcastique et
bouillonnante, de Michael Moorcock où l'exotisme n'occulte jamais la réflexion. |
Critique
Moorcock est un auteur tout à fait étrange : il a
écrit de nombreux ouvrages d'heroic-fantasy mais déclare avoir ce sous-genre
en horreur et considérer ses partisans fanatiques comme une fort inquiétante
cohorte 1 !
Quel est le véritable Moorcock ? L'auteur d'Elric et de la saga de
Jerry Cornelius ? Ou le grinçant conférencier de Metz 82 ?
Les aventures uchroniques d'Oswald Bastable,
qui rassemble trois romans 2
autour du personnage du capitaine britannique Bastable, chevalier-aventurier
et commentateur désabusé des univers parallèles, donne une réponse limpide
— la même d'ailleurs que celle qui transparaît derrière le cynisme décadent et
la majeure partie de ses récits d'heroic-fantasy moderne. Les trois uchronies
de ce CLA, Le seigneur des airs, Le léviathan des terres et
Le tsar d'acier, tiennent en effet à la fois du récit d'aventures, et du
meilleur, et de la démarche idéologique, et de la plus rigoureuse.
L'auteur utilise pour ses trois romans le même
procédé : le récit est tenu pour véridique et a été recueilli par Moorcock
lui-même, ou par son grand-père, de la bouche du héros ou de quelqu'un qui l'a
bien connu ; loin de donner à l'univers parallèle ainsi amené une once
supplémentaire de crédibilité, cette technique insiste sur le caractère absolu
de fiction de l'ensemble et met le doigt, avec humour, sur une méthode
littéraire fort prisée à l'époque... où Bastable, honorable officier de
l'armée des Indes, apparaît dans Le seigneur des airs.
Les uchronies, on le sait, ont généralement un défaut
majeur : elles sont bavardes et l'action y est statique ou, du moins, fort
lente ; l'intérêt du thème s'efface trop souvent derrière l'ennui du
traitement... Le talent de Moorcock nous évite cet écueil ; les univers
parallèles des Aventures... servent naturellement de
mètre-étalon à notre propre société et permettent à l'auteur de nous proposer
une relecture critique de l'histoire et des valeurs du XXe
siècle. Le seigneur des airs est peut-être le plus achevé des
trois romans, sans doute parce qu'il est essentiellement consacré à la
dénonciation de l'empire britannique (celui d'une année 1973 où dominent les
grands dirigeables !) et du colonialisme « civilisateur ». Mais si
Le léviathan des terres aborde le thème du racisme et Le tsar
d'acier celui du socialisme et de ses perversions, l'unité de la trilogie
est loin d'être formelle et simplement due à la présence systématisée de
quelques personnages, qu'il s'agisse du capitaine Bastable ou de la
mystérieuse Una Persson. Les aventures uchroniques d'Oswald Bastable
rassemblent en fait trois récits qui ont la même problématique ; Moorcock
traite au moyen d'une fiction brillante, qui sait être tout à la fois
rigoureuse, humoristique, caustique et fantasque, des grandes questions qui
agitent le siècle ; mieux : il y parvient sans jamais sacrifier la thématique
au récit de SF ni l'inverse.
Ce qui fait aussi l'intérêt de cette trilogie, c'est
la facilité avec laquelle I'auteur passe du procédé outrageusement et
volontairement voyant à la réflexion la plus approfondie et de
la grande fresque exotique au portrait criant de vérité d'un Lénine exilé,
méditant à l'infini sur les raisons de... la victoire de Kerenski !
A l'heure où trop d'éditeurs rééditent des fonds de
tiroirs des années cinquante, le CLA ne pouvait mieux faire que nous proposer
cette trilogie de Moorcock.
Notes :
1.
Cf. Glissemement de temps sur Metz dans Fiction n° 330
2.
Le Seigneur des airs et Le léviathan des terres avaient déjà paru
en 1976 aux éditions Opta (Collection « Anti-Mondes »). Le tsar d'acier
est inédit
Stéphane
NICOT
Première parution : 1/2/1983
dans
Fiction 337
Mise en ligne le : 25/3/2003 |