J. Gregory Keyes est né à Meridian,
dans le Mississippi, en avril 1963. Il a passé plusieurs années dans la Navajo
Indian Reservation de l'Arizona, où son père était administrateur du Navajo
Community College. De retour dans le Mississippi, Greg a terminé ses études
secondaires pour entrer à l'Université du Mississippi, et y a obtenu une licence
en anthropologie. Il a travaillé comme archéologue pendant quelques années,
avant de reprendre ses études pour décrocher une maîtrise à l'université de
Géorgie. Il a entamé un cursus de doctorat mais n'a pas encore rédigé sa thèse.
Il réside à Savannah, en Géorgie, où il écrit et enseigne l'escrime. Il aime
aussi jouer au Kapucha Toli, un sport choctaw semblable au lacrosse, en plus
viril.
La page
de J. Gregory Keyes sur le site de la nooSFère
La Porte des Mondes : Gregory, tu as choisi d'écrire une uchronie: pourquoi avoir choisi ce
genre de Science-fiction, plutôt que de placer l'histoire dans le futur ou sur
une planète lointaine?
Gregory J. Keyes: Quelle plus belle époque pour
placer une histoire de science-fiction que la période où la magie est devenue
ce que nous nommons couramment la science ? Isaac Newton a été considéré comme
étant le dernier des sorciers, et non sans raison puisque la majeure partie de
ce qu'il a accompli était de nature occulte ou biblique, mais nous n'avons
retenu de lui que des choses comme le calcul des fluxions ou ses travaux sur
l'optique. Le début du XVIII ème siècle fut une période décisive, hésitant
entre la foi et la raison, entre l'ancienne magie et les nouvelles
philosophies qui allaient changer la nature de la pensée et la technologie
pour toujours. De plus, c'est une époque qui a été marquée par de nombreux
personnages forts et passionnants, et à laquelle les auteurs de fantasy et de
science-fiction se sont pourtant peu intéressés.
PdM :
Pourquoi as tu
choisi cette période en particulier?
G. J. K. : J'ai déjà répondu à cette
question plus haut, mais il y a une autre raison. Mon idée de départ était
d'écrire une histoire dans cette ligne temporelle divergente, mais qui se
déroulerait à notre époque. J'ai voulu restituer la
vision d'une Amérique dans laquelle il y aurait un mélange plus équilibré des
cultures et des sociétés européennes, indiennes et africaines. Mes études
d'éthnohistorien m'ont suggéré que cela aurait pu arriver, à la condition que
quelque chose de radical soit arrivé aux puissances européennes au tout début
du XVIII ème siècle. A partir de là, le futur était quasiment redéfini.
PdM : Pourquoi avoir donné
un rôle si important à Louis XIV? Et pourquoi avoir choisi l'Europe comme
principal théâtre du récit?
G. J. K. : Les volumes suivants de la série nous
emmèneront en Afrique du Nord, en Sibérie, en Chine et aux Amériques, mais la
locomotive du monde des années 1720 était l'Europe. C'est là que tout se
passait aux niveaux scientifique et technologique. Comme Isaac Newton, Louis
XIV fut un homme qui vécut à cheval sur deux époques. Il fut peut-être le seul
et unique véritable monarque absolu, et s'intéressait beaucoup à la science et
aux inventions. Les jardins de Versailles dénotent son obsession pour la
raison et l'ordre. Mais il fut aussi le plus puissant vestige de l'Ancien
Régime - il persécuta les protestants et mena la France dans une série de
guerres inutiles. Il ne comprenait pas vraiment la science, si ce n'est ses
aspects divertissants. Déterminé à préserver son pouvoir, il mena une
politique à la fois étrange et ingénieuse : il détourna les nobles de leurs
domaines et de leurs armées en les attirant à Versailles où, prêts à tout pour
lui plaire, ils cessèrent d'être de Grands Nobles pour ne devenir que de
simples courtisans, qui ne représentaient plus de menace pour lui. Louis XIV
s'enferma dans son rôle de monarque absolu, rôle par lequel il se laissa
dépasser mais jamais détruire.
PdM :
Tu introduis la magie
comme un des éléments moteurs du récit? S'agit-il d'un monde dans lequel la
magie existe ou d'un monde où la science a pris un voie différente?
G. J. K. : C'est un monde avec des différences
minimes dans les lois de la physique, si subtiles qu'elles n'apparurent que
lorsque les travaux de Newton permirent leurs découvertes. La méthode est
scientifique, mais ce que cette méthode permet de découvrir est plutôt
différent de ce que nous connaissons dans notre univers. Il s'agit d'une
parabole sur l'objectivité de la méthode scientifique, et la subjectivité qui
l'accompagne toujours.
PdM :
Crois tu que ton roman soit plutôt de la Science-fiction ou plutôt de la
Fantasy?
G. J. K. : C'est plutôt difficile à
dire. Il y a interaction entre Science-fiction et Fantasy. Les prochains
livres feront allusion aux théories des quanta et des cordes, mais d'une
certaine façon, je crois que le fond est plutôt de la Fantasy, même si ça
demeure un commentaire sur la Science.
PdM :
Dans le
premier volume un météore détruit la plus grande partie de l'Europe du Nord!
Pourquoi un tel cataclysme?
G. J. K. : Désolé! Il
fallait que j'arrête la machine économique anglaise pour transformer le monde
comme je l'entendais.
PdM :
Benjamin Franklin est un des héros de ton
roman: pourquoi lui? Y a- t'il une raison
particulière?
G. J. K. : D'abord j'ai choisi la
période, puis j'ai regardé qui vivait à cette époque. Franklin m'est apparu
comme un personnage fascinant, en perpétuel changement. Il est devenu une
sorte de modèle américain, un de ceux qui ont toujours un certain poids au
Etats-Unis. Il fut à la fois un théoricien et un expérimentateur. Il me permet
de faire le lien entre le monde européen et le monde américain dans les
prochains volumes.
PdM :
En France la
série est annoncé comme étant une trilogie, mais il y a en réalité quatre
livres dans la série de l'"Age de la Déraison", seront-ils tous traduits en
français?
G. J. K. : D'après ce que
l'on m'a dit, oui.
PdM :
Sur quel genre
de romans travailles tu actuellement? SF, space opera, fantasy, steampunk?
G. J. K. : Pour le moment, je travaille
sur une série qui s'intitule KINGDOMS OF THORN AND BONE. Le premier livre
s'intitule THE BRIAR KING. L'histoire se déroule dans un autre monde, peuplé
d'individus originaires du nôtre, issus d'époques et de lieux différents.
C'est de la Fantasy avec un arrière-plan historique, mais beaucoup moins que
"L'Age de la Déraison".
Merci Gregory.
Merci à Gilles Goullet et à Olivier Deparis pour leur aide dans la traduction. |