Né en octobre 1954, il est l'aîné d'une famille de quatre
enfants. Après le lycée, il décide de bourlinguer pendant une année, ce qui
l'amènera jusqu'à Hawaï. En 1973, il entre à l'université de Rhode Island, où il
passe trois années complètes, puis deux années à mi-temps, à l'issue desquelles
il manque de peu obtenir son diplôme, avant de se ressaisir. Il y rencontre en 1976 Deborah Newton qui, depuis partage sa vie. En
1979, il parcourt l'Europe avant de travailler comme programmeur COBOL. En 1982,
il laisse tout tomber pour devenir écrivain à plein temps et ne regrette pas sa
décision. Ses nouvelles, au style insolent et ironique, ont été publiées dans de
nombreuses anthologies. Paul Di Filippo est considéré comme l'un des meilleurs
représentants contemporains du steampunk.
La page
de Paul Di Filippo sur le site de la nooSFère .
La Porte des Mondes:
Quand as-tu débuté dans l'écriture
?
Paul Di Filippo: Même si j’ai vendu un article au New York Times alors que je
fréquentais encore la fac, et une nouvelle à la revue de SF Unearth durant la
même période, j’ai attendu 1982 pour me consacrer sérieusement à l’écriture. Dès
lors, j’ai suivi le conseil de Ray Bradbury dans son article « Zen and the Art
of Writing » et j’ai tâché d’écrire mes 1000 mots par jour. 300 000 mots refusés
plus tard, j’ai réussi à vendre presque simultanément deux textes au Magazine of
Fantasy and Science Fiction et à Twilight Zone Magazine.
PdM : Comment es-tu devenu écrivain?
P.D.F. : J’ai commencé à écrire pour le journal du lycée et
j’ai trouvé là une activité si satisfaisante que je n’ai plus jamais imaginé
choisir une autre carrière. Quant à éliminer les défauts de ma prose, je n’y
suis parvenu, ainsi que je le sous-entends ci-dessus, qu’après une production
massive de récits amateurs où j’essayais chaque fois de m’améliorer par rapport
au précédent.
PdM :
Pourquoi as-tu choisi d’écrire de la science-fiction ?
P.D.F. : J’aime la SF, le fantastique et la fantasy depuis mon enfance, et je
les considérais comme les genres les plus susceptibles d’englober les sujets
qu’il m’intéressait de traiter.
PdM :
Quels
sont tes auteurs préférés, tous genres confondus?
P.D.F. : J’ai un régime de lecture des plus omnivores, mais,
si je devais lister mes cinq favoris, je choisirais Thomas Pynchon, William
Faulkner, Samuel Delany, John Crowley et Vladimir Nabokov. Quand je reviens sur
la SF qui m’a influencé, je dois citer les œuvres de Brian Aldiss, Michael
Moorcock, Philip K. Dick, Roger Zelazny, A. E. van Vogt et Robert Heinlein.
PdM :
Est-ce
qu’ils influencent tes choix d’auteur ?
P.D.F. : Je dois prendre garde, car je suis plutôt bon imitateur. Si j’oublie de
me surveiller, mon style en vient à évoquer l’auteur qui me passionne sur le
moment — ce qui est parfait pour un pastiche délibéré, et bien moins souhaitable
quand on essaie de paraître soi-même en toute authenticité.
PdM :
La
Trilogie Steampunk et Pages Perdues
t'ont fait connaître des lecteurs français: quelles ont été tes sources
d'inspirations pour ces nouvelles?
P.D.F. : J’adore l’Histoire, et il m’arrive de ressentir une
immense nostalgie pour des périodes qui me resteront inconnues. Écrire ces
récits m’a offert un prétexte à lire beaucoup d’essais historiques et à les
incorporer dans ma fiction. Et mon penchant satirique y a trouvé l’occasion de
brocarder les lubies et les manies d’une autre époque, ce qui choque moins les
gens qu’une critique de leurs faiblesses contemporaines. Cependant, j’espère que
les morales illustrées sont universelles.
PdM : En France, tu es présenté
comme l'un des meilleurs représentants du steampunk: qu'en penses-tu? Te
considères-tu comme un auteur "steampunk"?
P.D.F. : Le steampunk que j'écris s'apparente plus à celui de
James P. Blaylock ou de Tim Powers. Par contre, je n'ai pas encore atteint le
niveau d'excellence du steampunk plus rigoureux proposé par Gibson et Sterling
dans La machine à différences. J'envisage
néanmoins de m'y essayer en écrivant un roman qui aura pour protagoniste le
philosophe Bishop Berekely.
PdM : Pourquoi as-tu écrit autant de nouvelles uchroniques?
P.D.F. : L’Histoire avec un grand H nous paraît fixée, immuable. La notion d’un
passé modelable plaît à mon esprit de contradiction.
PdM : Et pourquoi as-tu choisi d'écrire des biographies uchroniques?
P.D.F. : Les écrivains mènent pour la plupart une existence
très ennuyeuse. Je voulais donner du punch à la biographie de quelques-uns de
mes héros, quitte, parfois, à rendre leur vie « meilleure » dans une certaine
mesure, afin de réparer les injustices dont ils ont été victimes. Dans mon
univers littéraire, Anne Franck vit encore !
PdM : Pourquoi le fait de récrire la vie de tant de célébrités (Kafka, Anne
Franck, Philip K. Dick, Saint-Exupéry) te plaît-il à ce point ?
P.D.F. : J’aurais sans doute adoré nouer des relations
d’amitié avec tous les auteurs que j’aborde. Comme c’était impossible, j’ai dû
en faire mes amis sur la page imprimée !
PdM : Qu’est-ce qui t'a séduit chez Saint-Exupéry ? Pourquoi lui avoir donné
le rôle principal d’une de tes nouvelles ?
P.D.F. : Saint-Exupéry est un personnage si extrême qu’il
exigeait presque de devenir le héros de sa propre histoire rêvée. Et le
romantisme de son œuvre révèle une sensibilité et aussi une paillardise avec
lesquelles je me suis senti en plein accord.
PdM : As-tu eu plus de difficulté à écrire
l'une ou l'autre de ces nouvelles?
P.D.F. : Dans mon souvenir, aucune nouvelle de
Pages Perdues
ne m’a guère posé de problème. Le plus dur consistait à incorporer les faits
historiques réels sans recourir à de longues explications !
PdM : Sur quel
projet travailles-tu actuellement?
P.D.F. : Je rédige sans cesse des critiques littéraires, mais mes projets
actuels en matière de fiction sont : 1) une nouvelle à la Pages perdues, sur le
poète Robert Frost, et 2) un roman de littérature générale avec un jeune
protagoniste, intitulé Roadside Bodhisattva.
PdM : Est-ce que
tes romans seront publiés en France?
P.D.F. : Gérard Klein, le directeur de la collection « Ailleurs & Demain », a eu
la gentillesse d’acheter le dernier, A Mouthful of Tongues, pour le
compte des éditions Robert Laffont, en cours de traduction par Pierre-Paul
Durastanti, et prévue pour Octobre 2003.
Merci Paul.
Interview réalisée en février 2003 © Pedro Mota.
Merci à Pierre-Paul Durastanti pour son aide pour
la traduction .... PdM |