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Franchoupia
Éditions L'Âge d'Homme (2000)
419 pages 2-8251-1298-4 |
Uchronie. Date de la divergence : 1941 |
La Saga du Contre-Monde
Sont les Oiseaux ...
(Europia)
Franchoupia
Sibéria (à paraître)
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Quatrième de couverture
L'uchronie, construction de mondes dans
un temps qui aurait pu exister, est la clef du projet romanesque de Jean-Claude
Albert-Weil. Le "contre-monde" qu'il oppose au "souk marchandaliste Coca-MacDo"
régressif qui régit notre existence occidentale est un grand
Empire eurasiatique issu (dans le premier volet de son triptyque) de la victoire
allemande en 1940. Mais rassurez-vous la dénazification a bien eu
lieu ... Rassurez-vous ... Cela c'était Sont les Oiseaux ...
(Grand Prix du Roman de la Société des Gens de Lettres 1997),
roman qui s'intitule désormais Europia ... car voici qu'apparaît
le deuxième volume, Franchoupia ... Suivit bientôt de
Sibéria !
Franchoupia, c'est une France libre ... Des patriotes (à
coup sûr ...), qui en 1940 refusant l'occupation, ont fondé une
sorte de réplique d'État en Guyane ... Or tout cela, sous l'hégémonie
yanquie, e poids des droits sacrés, des associations social-cultu,
des obligatoires etnikophilies, des hébéto-médias, de
la classe politique des "touspoux" et des "crapulterrands" ... tout cela
devient rapidement une pestilentielle république bananière ...
On n'a qu'une idée c'est d'en sortir ... Alors ...
Alors il reste la forêt ... son délire, sa
luxuriance, sa fausse nature ... ses faux ermites et ses guérilleros
ramollis à l'hallucinogène ... sa perversion finalement ...
Au terme d'un parcours initiatique dans ce monde déclinant, le lecteur
finit par découvrir qui est le vrai personnage du livre: le langage.
Car, à son rejet des valeurs reçues, Jean-Claude
Albert-Weil associe le refus du français figé. Comme Rabelais
ou Céline, il aime sa langue. Et comme eux il l'aime vivante, truculente,
hargneuse, inventive. Brassant les mots et les sons nouveaux avec une fantaisie
médiévale, il nous offre, en sus de l'univers qu'il crée,
le vocabulaire authentique de ses habitants. Un véritable feu d'artifice
!
Si vous en avez assez de l'ouverture à l'autre,
de l'humain des hautes consciences, de cette bonté si citoyenne, si
conviviale, si pédagogique ... assez du sport populieux, assez des
messages publicitaires, assez de la vulgate humanitaire qui n'est que poudre
aux yeux, assez d'approuver, assez d'être un spongiaire béat
qui absorbe et exsorbe les télé-niaiseries générales
... Alors prenez ce livre et entrez dans les territoires libérés
d'Albert-Weil !
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Critique
En 1996, les éditions du Rocher publiaient Sont les oiseaux...,
situé un demi-siècle après la victoire de l'Allemagne dans une Europe « déshitlérisée »,
supposée avoir abjuré l'antisémitisme mais bel et bien nazie, et d'autant
plus dérangeante que maints aspects en pourraient être sympathiques, entre
liberté sexuelle, écologie, promotion de l'entreprise alternative contre la
grande industrie, critique de la publicité, de TF1 ou de l'ENA, etc. Le tout
bourré de clins d'oeil, dans une langue elle-même uchronique, entre
Célineries et constructions lexicales allemandes. L'exergue due à Swift,
fixant pour but « de tourmenter le monde plutôt que de le divertir »,
laissait place à diverses lectures, jusqu'à la dénonciation de poncifs façon
Club de Rome, réputés progressistes et pourtant compatibles avec le nazisme
(cf. la critique parue dans KWS).
Nécessitant un solide estomac, et pas vraiment tous publics, mais aussi
brillant que pervers, ce roman reparaît chez l'Age d'Homme sous le titre
Europia. Avec une suite, Franchoupia. Mais si la richesse de la
description d'une Europe parallèle palliait la faiblesse de l'intrigue, la
« France libre » installée en Guyane depuis 1940 mêle goût de déjà-vu et
arrière-goût déplaisant. C'est la France actuelle au prisme de phantasmes de
l'extrême-droite dans sa version « libérée », runes et néo-paganisme plutôt
que cul-béni ou famille-patrie. Dès le prière d'insérer, est dénoncé un pays
croulant « sous l'hégémonie yanquie, le poids des droits sacrés, des
associations social-cultu, des obligatoires etnikophilies, des hébéto-médias,
de la classe politique des 'touspoux' et des 'crapulterrants' ».
S'ajoutent d'autres haines recuites, du capitaine Dreyfus à n'importe quelle
grève, de 1789 à la gay pride, des banlieues et des immigrés aux
fonctionnaires et au clergé (à dégoûter de l'anticléricalisme), de Mitterrand
au De Gaulle de 1940 ou de 1962. Le tout, malgré des dénégations, baigne dans
un antisémitisme obsessionnel, style « ils sont partout ». Faut-il préciser
que le résultat est nauséabond ? Et médiocre : citer Sade et plagier Céline
ne rend pas talentueux, quand on n'en garde que les tics et les tares.
Eric VIAL
Première parution : 1/9/2000
dans
Galaxies 18
Mise en ligne le : 1/3/2002
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