Michael Swanwick La porte des mondes


                                                           
Jack Faust   (Jack Faust, 1997)
  Traduit par Jean-Pierre Pugi
1) Payot SF     (2000)
  288 pages.          2-228-89281-5
2) Le Livre de Poche n° 7232    (2001)
 
350 pages            2-253-07232-X
  
  Uchronie. Date de la divergence :  1500
Quatrième de couverture :                                       
                                     

Désespéré par l'inutilité   de son savoir, le docteur Faust brûle ses livres. Alors une voix étrange  retentit et l'appelle.
Sauveur inespéré, Méphistophélès   va offrir à Faust des secrets capables d'amener l'humanité  à ce nouvel âge d'or. Mais du progrès à la damnation,  il n'y a parfois qu'un pas...
Lyrique, terrifiante, provocante, une  nouvelle  interprétation de la légende de Faust, l'homme qui  vendit son âme au diable en échange de la connaissance absolue.               

             
             
Critique

Attention, chef d'oeuvre !

Certaines histoires universelles supportent mille variantes. La légende de Faust est de celles-là, et la version que nous propose Michael Swanwick est peut-être l'une des plus étonnantes.

L'intrigue débute de façon traditionnelle dans la petite ville de Wittenberg, par une tempétueuse colère : Faust brûle chaque livre où il décèle une contre-vérité, n'épargnant ni Aristote, ni Ptolémée, ni même la Bible... « Il avait consacré son existence à l'étude de ces choses haïssables qui n'avaient fait en retour que saper ses certitudes. Les livres étaient les sangsues de l'intellect. » (p.15)
Méphistophélès répond à cet appel vibrant. Mais comme Dieu n'existe pas, ce diable là est une créature bien étrange dont le nom traduit une équation mathématique complexe désignant une espèce incroyablement étrangère. « Le nom dérivé est moins une appellation qu'une adresse, une expression de nos rapports avec ton monde. » (p.32)
Dans le but avoué de précipiter mesquinement la fin de l'espèce humaine, Méphistophélès lui  apporte en un instant la connaissance absolue : passé, avenir, science ou structure intime de l'univers n'ont plus aucun secret.
 

Faust va mettre en pratique ces connaissances pour tenter d'améliorer la condition humaine. Après une lunette d'approche fort mal accueillie, il invente pêle-mêle le moteur électrique, le cinématographe, la locomotive, la glacière ou l'aéroplane... bouleversant ainsi le visage de son siècle. Lorsque la peste frappe, le docteur Faustus met au point le microscope et extrait des antibiotiques d'une moisissure. Exilé à Londres, sous le nom de Jack Foster, il théorise les mouvements sociaux déclenchés par cette révolution industrielle précipitée, puis assiste à la déroute d'une Armada espagnole que l'on aurait pu croire invincible. Ses croisades seront nombreuses, au nombre desquelles la pilule contraceptive et l'avortement...
On l'a compris, c'est 500 ans d'évolution scientifique, socio-politique et philosophique qui se trouvent condensées en quelques années, liées au destin d'un seul homme. Archétype du savant en but à l'ignorance et l'obscurantisme, Faust est Galilée ou Darwin, mais il peut aussi devenir Marx ou Hitler. Son parcours résume celui de l'humanité depuis la Renaissance, depuis l'ère de la raison et de la science.

Mais il n'y a pas de Faust sans Marguerite. Méphistophélès apporte aussi à son élève le savoir de Don Juan et lui enseigne le prix de chaque être humain, de chaque femme en particulier. Pourtant Marguerite existe : magnifique personnage de femme, elle est pure sans être naïve, vertueuse juste ce qu'il faut, intelligente et compétente, manipulatrice et passionnée... Son influence sur Faust est complexe, témoignant du caractère à la fois sublime et difficile des relations entre hommes et femmes.

Sous l'oeil d'un diable peu avare en commentaires cyniques, sarcastiques ou même grossiers, où l'on devine la malice de l'auteur, cette fresque se lit comme un roman d'aventures. Les événements s'enchaînent avec aisance et logique, en évitant tout effet d'énumération que pourrait faire craindre l'ampleur du propos. Chaque nouveau chapitre ouvre au contraire de nouvelles perspectives, sans aucune répétition. C'est drôle et émouvant, désespérant et poétique, grotesque et pétillant d'intelligence, passionnant de la première à la dernière page.
Dans cette uchronie très originale, Michael Swanwick a réinterprété l'un des plus grands mythes de l'humanité pour en tirer des conclusions implacables, d'une manière spectaculaire et brillante. Très facile d'accès, de lecture aisée et plaisante, ce roman mérite d'être découvert par tous, amateur de SF ou de fantasy, mais aussi de littérature générale ou historique.
Il s'agit, répétons-le, d'un chef d'oeuvre.

 

© La Porte des Mondes et Icarus
Toutes les critiques sont copyright © 1999 par leurs auteurs.

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