Pincio Tommaso La porte des mondes

Le silence de l'espace
Le silence de l'espace (Lo spazio sfinito, 2002)
Traduit par Eric Vial
Edition Gallimard Coll. Folio SF n°142 (2003)
207 pages      2-07-042660-2
Uchronie. Date de la divergence :  1956
Quatrième de couverture:

1956 : par lassitude généralisée, un certain Jack Kerouac accepte de passer neuf semaines en orbite autour de la Terre pour le compte d'une compagnie de boissons gazeuses très connue... Sa mission : contrôler les étendues vides et silencieuses de la portion d'espace concédée â l'entreprise. Pendant ce temps, parce qu'il s'est épris d'une libraire un peu spéciale - une certaine Marilyn Monroe aux lèvres argentées - un certain Neal, ami dudit Jack Kerouac, entame une torride entreprise de séduction... téléphonique sur une certaine Norma Jean Mortensen, l'épouse délaissée d'un certain Arthur Miller qui n'est autre que le directeur du programme spatial d'une compagnie de boissons gazeuses très connue... Toute dissemblance avec l'histoire que vous connaissez est tout sauf une coïncidence !

Fer de lance d'une nouvelle génération d'auteurs puisant leur inspiration dans les icônes de la culture populaire et les littératures de genre, Tommaso Pincio, né à Rome en 1963, est également l'auteur d'Un amour d'outremonde, hommage fulgurant rendu à Kurt Cobain, le chanteur du groupe Nirvana.

Critique

1956 en Amérique : Jack Kerouac est embauché par la Coca-Cola Enterprise Inc. dirigée par Arthur Miller, pour surveiller une concession spatiale durant 2 mois, dans une capsule en orbite terrestre. Avant, il est allé avec son ami Neal Cassady pour acheter un atlas des étoiles dans une librairie étonnante où une des vendeuses, Marilyn Monroe, fascine le chaland avec ses lèvres argentées réfléchissantes. Pendant que Kerouac expérimentera le silence de l'espace dans sa retraite spatiale, Neal n'aura de cesse de rechercher Marilyn, et pensera l'appeler au téléphone en composant chaque jour un numéro aboutissant chez Norma Jean Mortensen, la femme délaissée... d'Arthur Miller...

La postface précise (elle aurait été une préface, elle aurait pu prévenir...) qu'il ne s'agit pas d'un livre sur Kerouac, Cassady, Monroe, du moins pas ceux que nous connaissons (Kerouac y est-il écrivain ? Marilyn n'est en tout cas pas actrice...). Pourtant, il s'agit de s'appuyer sur ce que nous savons de leurs modèles tout en les observant dans ce roman comme des personnages nouveaux, ce qui donne une impression étrange, originale, et agréable quand on croit déceler une similarité, une clef, grâce au souvenir que nous avons de ces célébrités populaires ayant marqué leur temps (*).

Ce court roman se lit de façon très fluide malgré son étrangeté. Le tout est de jouer le jeu. Il y a des scènes vraiment délirantes et jubilatoires comme l'achat du livre à la librairie ou le dialogue par radio entre les contrôleurs spatiaux, beaucoup de poésie aussi, et des passages (courts) qui me sont restés totalement obscurs... Kerouac cherche à vivre un face à face avec le vide silencieux de l'espace. Que transgresse-t-il quand il signale entendre un gémissement et ne voir aucune étoile ?

S'agit-il de science-fiction ? Dans la mesure où, en 1956, Jack Kerouac n'était pas en orbite géostationnaire ni Marilyn Monroe au guichet d'une librairie de 3e type, oui, sans doute. Mais n'y cherchez pas une intrigue à la Hyperion : encore une fois il faut se laisser mener dans un univers bizarre où nous sont déjà un peu familiers des personnages sensés être inconnus.

J'ai aimé, mais d'avance j'aime Kerouac et Cassady, et j'ai eu l'impression d'un peu les retrouver dans ce petit bouquin, même si ça ne doit pas être un but.


(*) 1956 en Amérique : Jack Kerouac est embauché comme guetteur au sommet de Desolation Peak, pour surveiller la forêt, seul et isolé, et signaler au plus tôt les incendies, avec pour unique moyen de communication une radio, surtout utilisée entre les autres guetteurs pour passer le temps. C'est l'occasion d'une expérience mystique (bouddhiste) pour l'auteur de "Sur la route", qu'il évoquera dans "Les Clochards Célestes".

Fabrice Tual (septembre 2003)

 

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