Quatrième de couverture
Un soldat de l'armée d'Attila, un chevalier maure,
une jeune hippie, un cyborg venu d'un liontain futur, un extraterrestre...
Comment tous ces personnages peuvent-ils bien se retrouver en France en
1904? Ce qui est sûr, c'est que leurs actes risquent fort de changer
l'histoire du mondes en précipitant le déclenchement de la
Première Guerre mondiale... A moins que ne soit rétabli l'équilibre
des paradoxes.
Avec ses paradoxes temporels en cascade
dans une Belle Epoque recréée avec soin et fidélité,
ce livre entraîne son lecteur de Paris à Tanger en passant
par l'Algérie coloniale et constitue, de par son décor et
ses enjeux le premier grand roman "steampunk"
écrit par un Français.
L'équilibre des paradoxes a reçu le prix
Rosny Ainé en Septembre 2000.
A noter que l'édition chez Denoël est augmentée de la
nouvelle "L'Etranger" |
Critique
L'histoire débute dans la France
du début du siècle. Une jeune femme de bonne famille vit
un événement terrible: le meurtre de plusieurs personnes
qui lui sont chères et son propre viol par une créature hideuse
qui semble s'être échappée d'un cirque. Pire, elle
tombe enceinte. Mortifiée, la dame se retire du monde et décide
de cacher sa honte dans une propriété du Morbihan. C'est
sans compter sur le dévouement de son amant (un journaliste de gauche
dont le patron n'est autre que Jean Jaurès) et de ses deux amis
les plus proches (un militaire haut placé au gouvernement et sa
femme, au tempérament vif et indépendant). Cette intervention,
salutaire pour le moral de la jeune femme, provoque l'apparition de personnages
étranges pour l'époque: une jeune hippie des années
soixante, une femme cyborg, un savant du vingt-deuxième siècle
et quelques autres qui vont grossir les rangs des héros au fil de
l'histoire. Car quelqu'un a manipulé le temps afin de permettre
à une ligne historique où l'Europe est germanique de voir
le jour.
De fait, plus qu'un roman de steampunk
(genre qui, en principe, concerne une SF qui extrapole ses éléments
spéculatifs à partir des connaissances des gens du dix-neuvième
ou du début du vingtième siècle , ce qu'on pourrait
nommer rétroscience), il s'agit d'un roman sur le temps. D'abord
à cause de l'époque choisie. Ensuite parce qu'il y a un côté
uchronique (même si on peut appeler cela de l'uchronie
alternative), enfin parce qu'il y est question de voyage et de paradoxes
temporels.
Le livre se compose d'extraits de journaux
intimes et enregistrés (la jeune hippie ayant emporté avec
elle un magnétophone) où Pagel se livre à des changements
de style bien maîtrisés. Les personnages de 1900 s'expriment
avec force imparfaits du subjonctif (péché mignon de l'auteur
qui, là, se trouve parfaitement utilisé); la jeune femme
de 1960 a un langage beaucoup plus cru, argotique. Quelque part, ce sont
presque les parties écrites en langage suranné qui semblent
le plus fluides. Le tout est précédé par une introduction
où, dans la plus pure tradition populaire, Michel Pagel prétend
que tous ces extraits de journaux lui ont été confiés
par un vieil homme qui vient juste de décéder. On peut donc
ajouter aux caractéristiques temporelles du roman celle de l'histoire
secrète (à savoir un récit qui brode autour de la
réalité historique sans la modifier globalement).
Enfin, au fil du roman, le lecteur peut être
amené à douter de certains retournements de situation. Néanmoins,
chaque détail est soigneusement justifié. On peut ne pas
être d'accord avec les explications, mais cela relève plus
du débat de chapelle que d'un manque de logique de la part de l'auteur.
Tel quel, ce livre est un plaisir à
la lecture et, à mon avis, le meilleur roman de science-fiction
de Michel Pagel.
Bruno
B. Bordier
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