Fabrice Colin La porte des mondes

Dreamericana
Dreamericana (2003)
Edition J'AI LU Coll. Millénaires (2003)
443 pages         2-290-31878-7
Uchronie. Date de la divergence :  1851
Quatrième de couverture:

Ecrivain de renom, Hades Shufflin est l'auteur d'une immense fresque à succès consacrée à un XIXe siècle alternatif. Mais en cette année 2012, alors que son nouvel opus est attendu de tous (Stanley Kubrick, qui en a acheté les droits, s'impatiente et effectue déjà les premiers repérages), Shufflin peine à retrouver l'inspiration qui ne lui a jamais fait défaut. Se sentant épié, menacé, il s'avère incapable d'écrire la moindre ligne ; or le roman en devenir représente un jalon crucial dans sa carrière. Il doit en effet mettre en scène le dénouement apocalyptique d'une partie d'échecs cosmique que se livrent les Gardiens et les Voyageurs, deux entités immémoriales qui ont façonné l'Univers selon leurs désirs. Tandis que cette impasse créative se révèle pour l'écrivain l'occasion de s'interroger sur ses amours, ses errances et les zones d'ombre de son existence, son environnement semble peu à peu se transformer, perdre de son vernis de réalité pour acquérir une nouvelle dimension. Et si le conflit opposant Gardiens et Voyageurs se jouait à plus grande échelle et dépassait les frontières de la fiction ? Et si Hades Shufflin n'était plus maître de son propre esprit... ou ne l'avait jamais été ?

Né en 1972, Fabrice Colin est un jeune écrivain aux talents multiples qui s'impose comme toujours plus incontournable à chaque nouvelle parution. On lui doit entre autres les remarqués - et remarquables - Vestiges d'Arcadia, À vos souhaits, Or not to be, Les enfants de la Lune, ou le magnifique cycle d'inspiration shakespearienne Winterheim. Il propose ici un foisonnant roman d'aventures dont le terreau fondateur n'est rien moins qu'une interrogation brillante, très personnelle, sur la création artistique et les notions d'inspiration et de " réalité ".  

Critique

 Hades Shufflin est un auteur comblé. Son cycle d'Antiterra, racontant les aventures d'Erik Suncliff, espion dans un univers steampunk et alternatif dans le quel s'affrontent Gardiens et Voyageurs, est un succès. De plus en cette année 2012, Shufflin est en discussion avec Stanley Kubrick pour l'adaptation cinématographique des aventures de son héros.
Oui mais voilà, Shufflin à beau être un auteur à succès, sa vie privée est un échec: il vit seul, en ermite, dans les environs de Phoenix. Il fuit les contacts humains et passe pour un original misanthrope. Sa bonne à "tout faire" et son éditeur, qui n'a de cesse de lui demander où en est son nouveau roman, son les seuls liens qui lui reste avec les Hommes.
Finalement, Shufflin se rend compte qu'il n'a plus l'inspiration, que son monde alternatif ne "répond" plus. Et que pour venir à bout du dernier livre de son cycle, "Dreamericana", il va devoir aller chercher l'inspiration plus loin qu'il ne l'aurait imaginé.

Le roman de Fabrice Colin se divise en deux parties. Une première partie qui permet au lecteur de plonger dans l'univers de plus en plus tourmenté de Hades Shufflin, le monde réel, celui où Hades est un auteur à succès. Un auteur qui a de plus en plus de mal à trouver l'inspiration, et qui commence sérieusement à "péter les plombs". Puis la seconde partie du roman nous emmène dans l'univers alternatif d'Antiterra, une Terre steampunk où s'affrontent deux factions surpuissantes provenant du futur de l'Humanité, les Gardiens qui tentent de sauver l'Humanité et les Voyageurs, qui rêvent de découvrir les secrets de l'Univers et menacent de détruire Antiterra. Et voilà Shufflin-Suncliff projeté en plein dans cette lutte.

Ce roman "double" est construit comme un roman à tiroirs, avec une parfaite mise en abîme de l'intrigue où à chaque page, à chaque chapitre, des éléments viennent apporter des indices de lecture (articles de journaux, échange de mails, flash-back), au point parfois que le lecteur semble perdre pied avant de retrouver son équilibre plus avant dans le livre. Mais c'est aussi un hommage à Kubrick et à ses films, dont le personnage revient sans cesse (est-ce déjà une uchronie puisque Kubrick survit à son attaque cardiaque de 1999?),. Hommage aussi à Vladimir Nabokov et "Ada et l'Ardeur" dans sa seconde partie. Une Uchronie matinée de steampunk. "Dreamericana" est bien tout cela et plus encore. Un roman riche et dense qui demandera une certaine exigence de lecture mais qui offre de formidables moments aux lecteurs qui accepteront d'en faire l'effort.

Pedro Mota

 

© La Porte des Mondes et Icarus
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