Quatrième de couverture
:
"Ici reposent onze mille neuf cent soixante-treize
morts, tués par les natifs de ce pays. Bienvenue à Moor."
Dans le monde dévasté où
nous jette ce roman visionnaire, apocalyptique, règne une pax
americana imposée par les bombes et les humiliations. Parce
que leur village fut un lieu d'extermination nazie, les habitants de Moor
expient éternellement, contraints à mimer chaque année
des crimes qu'ils ne veulent pas reconnaître, uniquement préoccupés
de survivre.
Bering, le forgeron, né sous les bombardements,
est l'un d'entre eux. Ils s'est pris d'un étrange attachement pour
Ambras, un ancien déporté, un vainqueur, certes, mais brisé
par des souvenirs atroces. Ces deux errants n'ont d'autre choix que de
reconstruire quelque chose qui ressemble à un ordre social.
Mais une paix ainsi imposée peut elle
engendrer autre chose que le désir de vengeance et de guerre?
On a pu comparer au Tambour, de Günter
Grass, cette oeuvre où les tragédies de l'histoire se surimpriment,
à chaque page, aux visions d'un monde futur, soumis au nom du bien
à un tyrannique Juge suprême du nom de Stellamour. Après
Le Dernier des mondes, cette nouvelle oeuvre confirme la place de
premier plan de son auteur, un Autrichien né en 1954, dans la jeune
littérature européenne.
Ransmayr est un émissaire de l'enfer
qui ne cesse de dénoncer l'imposture de nos civilisations. Il déroutera,
tant le désordre le hante. Mais le style reste de bout en bout éblouissant:
taillé comme un cristal, flamboyant, halluciné et hallucinant.
André Clavel, L'Express
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