Michel Pagel La porte des mondes

L'équilibre des paradoxes
1) Fleuve Noir  SF Métal n° 64 (1999)
    440 pages     2-265-06618-4

2) Denoël coll. Lunes d'Encre (2004)

    430 pages      2-207-25461-5

Uchronie. Date de la divergence : 1905.
Quatrième de couverture

   Un soldat de l'armée d'Attila, un chevalier maure, une jeune hippie, un cyborg venu d'un liontain futur, un extraterrestre... Comment tous ces personnages peuvent-ils bien se retrouver en France en 1904? Ce qui est sûr, c'est que leurs actes risquent fort de changer l'histoire du mondes en précipitant le déclenchement de la Première Guerre mondiale... A moins que ne soit rétabli l'équilibre des paradoxes.
     Avec ses paradoxes temporels en cascade dans une Belle Epoque recréée avec soin et fidélité, ce livre entraîne son lecteur de Paris à Tanger en passant par l'Algérie coloniale et constitue, de par son décor et ses enjeux le premier grand roman "steampunk" écrit par un Français.

L'équilibre des paradoxes a reçu le prix Rosny Ainé en Septembre 2000. 

A noter que l'édition chez Denoël est augmentée de la nouvelle "L'Etranger"

Critique

      L'histoire débute dans la France du début du siècle. Une jeune femme de bonne famille vit un événement terrible: le meurtre de plusieurs personnes qui lui sont chères et son propre viol par une créature hideuse qui semble s'être échappée d'un cirque. Pire, elle tombe enceinte. Mortifiée, la dame se retire du monde et décide de cacher sa honte dans une propriété du Morbihan. C'est sans compter sur le dévouement de son amant (un journaliste de gauche dont le patron n'est autre que Jean Jaurès) et de ses deux amis les plus proches (un militaire haut placé au gouvernement et sa femme, au tempérament vif et indépendant). Cette intervention, salutaire pour le moral de la jeune femme, provoque l'apparition de personnages étranges pour l'époque: une jeune hippie des années soixante, une femme cyborg, un savant du vingt-deuxième siècle et quelques autres qui vont grossir les rangs des héros au fil de l'histoire. Car quelqu'un a manipulé le temps afin de permettre à une ligne historique où l'Europe est germanique de voir le jour.
     De fait, plus qu'un roman de steampunk (genre qui, en principe, concerne une SF qui extrapole ses éléments spéculatifs à partir des connaissances des gens du dix-neuvième ou du début du vingtième siècle , ce qu'on pourrait nommer rétroscience), il s'agit d'un roman sur le temps. D'abord à cause de l'époque choisie. Ensuite parce qu'il y a un côté uchronique (même si on peut appeler cela de l'uchronie alternative), enfin parce qu'il y est question de voyage et de paradoxes temporels.
     Le livre se compose d'extraits de journaux intimes et enregistrés (la jeune hippie ayant emporté avec elle un magnétophone) où Pagel se livre à des changements de style bien maîtrisés. Les personnages de 1900 s'expriment avec force imparfaits du subjonctif (péché mignon de l'auteur qui, là, se trouve parfaitement utilisé); la jeune femme de 1960 a un langage beaucoup plus cru, argotique. Quelque part, ce sont presque les parties écrites en langage suranné qui semblent le plus fluides. Le tout est précédé par une introduction où, dans la plus pure tradition populaire, Michel Pagel prétend que tous ces extraits de journaux lui ont été confiés par un vieil homme qui vient juste de décéder. On peut donc ajouter aux caractéristiques temporelles du roman celle de l'histoire secrète (à savoir un récit qui brode autour de la réalité historique sans la modifier globalement).
     Enfin, au fil du roman, le lecteur peut être amené à douter de certains retournements de situation. Néanmoins, chaque détail est soigneusement justifié. On peut ne pas être d'accord avec les explications, mais cela relève plus du débat de chapelle que d'un manque de logique de la part de l'auteur.
     Tel quel, ce livre est un plaisir à la lecture et, à mon avis, le meilleur roman de science-fiction de Michel Pagel.

Bruno B. Bordier


© La Porte des Mondes et Icarus
Toutes les critiques sont copyright © 1999 par leurs auteurs.

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