JEAN MARC ET RANDY LOFFICIER
Jean-Marc Lofficier est né à Toulon et vit actuellement à Los Angeles. Il a
écrit, en collaboration avec sa femme Randy, plusieurs scénarios de dessins
animés. Ils ont également couvert l’évolution du cinéma et de la télévision
fantastique à Hollywood pendant dix ans dans le magazine L‘Ecran Fantastique
et ont publié plusieurs livres sur ce sujet aux Etats-Unis et en Angleterre. En
bande dessinée, ils ont signé de nombreux scénarios de comic-books pour DC,
Marvel et Dark Horse: Arak, Blue Beetle, Captain America, Doctor Strange,
Firestorm, Heilraiser, Silver Surfer, Star Trek, Superman, Teen Titans.
Ils ont effectué la traduction et l’édition des oeuvres de Moebius en langue
anglaise et ont collaboré avec lui sur les scénarios des cinq albums de la série
du «Monde du Garage Hermétique»
(Humanoïdes Associés). Ils sont devenus responsables du relancement de l’Univers
Semic (autrefois Lug) dans les magazines Fantask et Spécial Zembla.
Jean-Marc est présentement directeur de collection et scénariste des séries du «Semic
Verse» publiées par Semic. En 1990, en reconnaissance de leurs talents de
scénaristes et de traducteurs, Jean-Marc et Randy Lofficier ont reçu l’Inkpot
Award, un des plus grands prix américains de la BD.
Plus d’informations sur Jean-Marc et Randy Lofficer:
http://www.lofficier.com/
GIL FORMOSA
Gil Formosa entre dans le monde de la bande dessinée en
1974, aux studios Dargaud en tant qu’assistant de Morris. En 1977, première
parution dans le journal Pilote de quatre histoires courtes, scénario de
Claude Géminiani. A une époque où l’Héroic-Fantasy ne s’était pas encore imposée
en France, le premier des quatre albums de la série “Légendes du Chevalier
Cargal”, scénario de Daniel Pecqueur, paraît en 1982 dans la collection
«Histoires Fantastiques» chez Dargaud, après prépublication dans Pilote.
Le dernier album de «Cargal », Le Maître de Brumazar, paraît en 1989.
Parallèlement, Gil Formosa se passionne pour l’illustration publicitaire créant
entre autre le “fêlé des pâtes Lustucru”, le bonhomme vert dont Etienne
Chatilliez réalise le premier spot publicitaire. Il travaille également pour le
cinéma avec l’affiche du film Lady Hawk, réalise des vidéo-clips pour M6
avec les films Daddy DJ, initie les personnages principaux de Totally
Spies, une série animée diffusée sur TF1 et Fox Kid.
Sollicité par les Éditions Soleil, il participe à plusieurs collectors dont
Uderzo croqué par ses amis, dessine deux albums Tex Avery pour Glénat.
Marvel lui commande une couverture de Conan. Il peint également plusieurs
couvertures pour les Éditions Semic qui publient à Angoulême 2003 un portfolio
sur la diversité de son travail.
Depuis la parution du tome 1 de Robur en janvier 03, Gil Formosa a
multiplié les illustrations de couvertures: couverture de Lara Croft pour
Tomb Raider, et de Darkness aux Editions Semic, couverture des revues
SF Bifrost et Galaxies, de «Passés
recomposés» aux Editions Nestiveqnen, etc. Il est également concepteur des
décors de La base secrète du méchant, le prochain long métrage de Gérard
Pirès qui sortira en juin prochain.
Plus d’infos sur Gil Formosa et la série Robur:
http://gil.formosa.free.fr
La Porte des Mondes: Parlez-nous un peu de
vous.
Jean-Marc Lofficier : Je vais faire court: Je
vis à Los Angeles avec ma femme Randy qui est scénariste comme moi. Nous
écrivons des scenarii de BD et des livres consacrés à la science fiction ou au
fantastique. Nous avons aussi écrit pour le cinéma et la télévision. Un
descriptif de nos différents travaux figure sur mon site
http://www.lofficier.com/
Gil Formosa : J' ai commencé dans la Bd en 1974
en travaillant avec Morris sur Lucky Luke, pour tout le merchandising, pub,
affiches de films et animation avec le Studio Idéfix, puis j'ai publié 4
histoires courtes de 4 pages dans le légendaire magazine Pilote, en 1981,
également pré publié dans Pilote, est paru le 1er Album des "Légendes du
Chevalier Cargal" série d' Héroic Fantasy chez Dargaud puis 3 autres albums ont
suivis, en même temps je suis entré dans le monde de la pub, avec des affiches
4x3, telles que " LOIS " ou des films d' animation pub comme le "Fêlé des pâtes
Lustucru", Yoplait, Chaleur Fioul, affiche cinéma " Lady Hawk" etc ...
Il y a 2 ans, j'ai créé les personnages "Daddy
DJ" et réalisé 4 vidéo-clip en animation 2D et 3D pour M6, puis créé des
personnages pour plusieurs séries d'animation qui ont vu le jour ou pas !
Récemment j'ai travaillé avec le réalisateur
Gérard Pirés pour son prochain long métrage, en créant les décors où se cache le
"Méchant de l'histoire" J' ai arrêté la BD en 89, sauf pour quelques incartades
dans des collectifs chez Soleil et Glénat, et en Janvier dernier paraissait
Robur "de le lune à la terre" chez Albin Michel, marquant ainsi mon retour à la
BD, après 13 ans d'absence!
PdM : Comment vous êtes vous rencontré?
J-M. L. : C'est Thierry Mornet, le rédacteur
en chef de Semic, pour qui je scénarisais une série de BDs publiées dans les "pockets"
(aujourd'hui arrêtés) qui nous a présenté. On s'est rencontré pour la première
fois chez Albums lors d'une séance de signature où je dédicaçais le premier
numéro de Fantask.
G. F. : Par l'intermédiaire de Thierry Mornet,
rédacteur en chef, chez Semic. Notre première rencontre fut par le net, et après
quelques allers-retours, j'ai eu la surprise de recevoir un coup de fil de JM.
plus tard nous nous sommes vu à Paris, un an plus tard paraissait le tome1 de
ROBUR.
Ce qui m'a plu chez JM et Randy, sa femme,
c'est que c'est un vrai couple. J'admire les gens passionnés par ce qu'il font,
et le moins qu'on puisse dire c'est que JM est un véritable passionné, doublé
d'une érudition pour la littérature SF, en autres. Il y a 19 références
littéraires dans le tome 1 de Robur, des clins d'oeil, pas aussi évidents que
cela !
PdM : Comment est né le projet Robur ?
J-M. L. : Pour ma part, nous avions crée un
projet qui s'appelait EMPIRE OF THE DINOSAURS pour le dessinateur Mark Nelson
pour Dark Horse en 1986. C'était l'histoire d'une Terre envahie par des aliens
(en l'occurrence des reptiles intelligents) juste après la première guerre
mondiale; les héros étaient des personnages comme Guy l'Eclair, Mata-Hari, etc.
Et puis Mark s'est brouillé avec Dark Horse et le projet est tombé à l'eau. J'ai
essayé une fois ou deux de le relancer mais sans succès, jusqu'au jour où Gil
est arrivé, et c'est devenu ROBUR.
G. F. : JM pourra plus facilement que moi vous
raconter la genèse de Robur. Lorsqu'il m'a envoyé son synopsis j'ai tout de
suite flashé. J'ai senti que je pouvais en faire quelque chose de plutôt inédit
, je tenais absolument à revenir à la BD après 13 ans d'absence, avec un projet
réellement original.
PdM : Comment travaillez-vous?
J-M. L. : Randy et moi préparons un canevas,
un synopsis, assez précis mais néanmoins suffisamment flexible, que nous
envoyons à Gil; c'est precis sur certains points: le développement des
personnages, le debut et la fin, mais ça laisse beaucoup de place à
l'improvisation. Gil fait des suggestions, apporte des idées, suggère de
nouvelles scènes, etc. et à partir de ses remarques je prépare une version plus
détaillée, qui va lui servir pour faire un story-board. Il y a encore une étape
où je reviens sur les dialogues pour mieux maximiser et coller au story-board de
Gil. C'est donc réellement un travail de collaboration.
G. F. : Graphiquement, j'aborde le nouvel album
en créant d'abord les décors, les engins, l'univers, etc, puis je dessine les
personnages dans la perspective, je les encre aux pinceaux, je scanne le tout
et la couleur est réalisée sur informatique - avec de temps à autre quelques
fonds peints en traditionnel -les vaisseaux et d'autres éléments du décor sont
essentiellement réalisés en 3D.
En gros pour le coté graphique, c'est la
technique du dessin animé ! et en ce qui concerne le travail de scénario avec JM,
c'est à "l' Américaine". Bref, lorsque JM m'envoie ses premières idées, son
synopsis, j'élabore un story-board/ pré découpage très rapide afin de voir si la
ligne narrative est bonne. C'est vraiment mal dessiné, pas de couleurs, et sans
la totalité des textes, le but étant de gribouiller aussi vite que possible afin
ce capter les images qui me viennent pendant la lecture du synopsis. Voilà par
quoi je commence, ( voir sur mon site l'exemple de story-board ) c'est à ce
moment là que je lui soumets mes idées, nous en discutons avec JML pour trouver
un accord, puis je précise mon dessin, je lui renvoie le tout, il peaufine les
dialogues sur les dessins, je passe à l'encrage et à la mise en place de la
typographie.
J'ai une grande liberté sur le scénario, et
j'en remercie JM, à tel point que je peux lui suggérer mes idées et la plupart
du temps elles sont intégrées au scénario final. l'important étant de respecter
"la ligne directrice", et de ne pas faire de contre sens avec le but final de
notre trilogie. JM décidant si mes idées sont compatibles ou pas avec la ligne
narrative. Il est toujours étonnant de voir comment une idée graphique peut
influer sur le scénario.
PdM : Comment avez-vous imaginé et développé
l'univers de Robur?
J-M. L. : Il y a dans ROBUR deux pôles,
finalement assez différents. L'un est l'aspect SF; les personnages pourraient
s'appeler Jules, Jim et Jane que l'histoire n'en serait pas vraiment changée.
L'idée d'une Terre envahie par des ETs à une époque antérieure de son histoire
est un thème qui m'a toujours beaucoup plu: je pense aux CROISES DU COSMOS
d'Anderson ou L'EMPIRE DU BAPHOMET de Barbet, ou plus récemment à la série WORLD
WAR de Turtledove que j'ai dévorée avec plaisir. Inversement j'aine aussi
beaucoup les romans où ce sont les humains qui ont une technologie avancée qui
doivent traiter avec une civilisation moins évoluée; par exemple IL EST
DIFFICILE D'ETRE DIEU des Strougatski. Bref, ce postulat de conflit mondial
entre deux cultures l'humaine et l'extra-terrestre, me fascine. Nos sélénites ne
sont pas des méchants au sens classique, d'ailleurs. Ils n'ont envahi la Terre
que parce qu'après la Grande Guerre, ils nous ont jugé des voisins nuisibles et
dangereux, et ils nous exploitent un peu comme l'Empire Victorien exploitait les
Indiens ou les Africains. Tout cela, c'est l'aspect SF.
Si ROBUR était un comic book mensuel comme aux
US on pourrait montrer d'autres facettes de la terre occupée et dévastée, voir
ce qui se passe ailleurs et couvrir plus de terrains. Au lieu de faire le
quotidien de la France occupée, style LACOPMBE LUCIEN, avec un album par an, on
est un peu forcé de faire LE JOUR LE PLUS LONG , donc cet aspect là est un peu
occulté.
L'autre pôle est l'hommage systématique à la
littérature d'imagination du 19ème et début du 20ème siècle. C'est quelque chose
que j'avais commencé à faire chez DC dans une série d'histoires mettant en
scènes des héros comme le Capitaine Nemo, Tintin, et James Bond bien avant LIGUE
DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES. (J'ai d'ailleurs eu des problèmes avec la
Fondation Hergé.) La source d'inspiration est Philip José Farmer qui a consacré
des œuvres impressionnantes à re-écrire l'histoire "secrète" de personnages
comme Tarzan, Phileas Fogg ou Doc Savage. ROBUR c'est aussi ma continuation de
l'effort de Farmer, mais dans le cadre d'un univers divergent. C'est un aspect
qui semble échapper un peu au lecteur français, mais qui amuse beaucoup nos
lecteurs américains.
G. F. : Le projet initial devait se dérouler
dans les années 1910, j'ai suggéré à JM de le décaler dans les années 30,
simplement parce que graphiquement je trouvais cela plus intéressant, pensez
l'Art déco en plein essors, la construction de l'Empire State et du Chrysler
Building, tout cela me tentait vraiment.
PdM : Quelles ont été vos sources
d'inspirations?
J-M. L. : Farmer, bien sur, pour l'approche.
Jules Verne et Wells, en tant que piliers de soutien de l'édifice. Les grands
auteurs des années 30: Flash Gordon, Brick Bradford pour la BD et l'aspect
visuel des choses, Edmond Hamilton, EE Doc Smith, avec un soupçon d'Abraham
Merritt pour la contextualisation (ou création) du passé scientifictionnel!
G. F. : Personnellement j'adore Joe Kubert et
son Ennemy Ace, le fameux Baron Rouge, qui se déroule durant la première guerre
mondiale, j'avais envie de retrouver les sensations de mon adolescence lorsque
je lisais cette BD, et les transmettrent aux lecteurs avec ma vision de ce genre
d'épopée humaine, travers une guerre que les héros n'ont pas voulus.
PdM : Pourquoi avoir développé cet univers "steampunk"
J-M. L. : Ce n'est pas le steampunk en soi
mais l'alternate history qui m'intéresse, l'uchronie comme on dit. Une autre
série de BD comme TONGUE*LASH par exemple explorait la forme d'une Terre où les
Mayas étaient la culture dominante.
G. F. : Notre contexte des années 30 nous
différencie de la plupart des BD Steampunk qui se déroulent généralement fin du
19éme début du 20éme siècle. On peut nous cataloguer Steampunk, mais on peut
aussi tout à fait parler de SF.
PdM : Pourquoi avoir chosi de manipuler
l'histoire passé plutôt que de placer l'aventure dans un futur lointain?
J-M. L. : Cela impliquerait un troisième degré
de projection qui serait la conception dudit futur... Franchement ce n'est pas
un thème qui m'intéresse. Je suis plus à l'aise dans l'histoire parallèle.
G. F. : En ce qui me concerne, je trouvais cela
plus original, et puis rebondir sur une réalité passée et la modifier m'a paru
plus riche graphiquement. Il y a un tas de bonnes BD SF, alors pourquoi en
rajouter une autre quand on a la possibilité d'exprimer de la SF à travers une
époque encore peu développé!
De plus j'adore l'aviation de ces années là, le
design particulier des engins de toutes sortes influencé par l'Art déco. La
simplicité et l'efficacité des lignes qui propulsent une énergie particulière.
PdM : L'univers du film Sky Captain and the
world of Tomorrow
prévu pour l'été 2004 et dirigé par Kerry Conran, semble assez proche de
l'esprit de Robur . En avez-vous entendu parler?
http://www.skycaptain.com/home.html
J-M. L. : De loin. Mais ce n'est pas très
surprenant. Je pense que la réalisation de LEAGUE a du y être pour quelque
chose, et on parle toujours d'un remake de FLASH GORDON...
G. F. : J'ai vu la bande annonce, effectivement
il y a des similitudes sur le design, maintenant je ne sais pas à quoi le
scénario fait référence. En tout cas, force est de constater que le cinéma
cherche de nouveaux thèmes, The Ligue of the Extraordinary Gentlemen le prouve.
Est-ce que le steampunk serait en passe de détrôner l'Heroic Fantasy ?
Interview réalisée en janvier 2004 © Pedro Mota.
PdM
Le site de Gil Formosa
http://gil.formosa.free.fr
Le site de Jean-Marc Lofficier
http://www.lofficier.com
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